50 ans de Vie Consacrée de Eliane, France

 

Les quelques flashs qui vont suivre, veulent être une action de grâce pour Celui qui a commencé en chacun de nous son œuvre et attend notre disponibilité pour la poursuivre jusqu’en son achèvement. (Ph 1/6)

 

Dans ces 50 années de vie religieuse Pradosienne, j’ai été envoyée 10 ans à Marseille où j’ai travaillé comme infirmière en Hôpital Public.  Cette année, à l’occasion d’un temps sabbatique dans cette même ville, j’ai eu la joie, presque 40 ans après, de retrouver une ancienne copine de travail, ASH (agent de service hospitalier) en retraite bien sûr, elle aussi.  Nous avions la chance de travailler dans une équipe, non pas sans tensions, mais où l’on prenait régulièrement ensemble (toutes catégories professionnelles confondues) la pause-café.  Ce qui a fait de nous, une équipe solidaire où l’on savait se serrer les coudes dans les moments critiques, quand la charge de travail était plus lourde, plus stressante et nécessitait une bonne coordination des compétences de chacune.

C’est donc là, que j’ai appris à connaître C.  marquée dès sa jeunesse par une vie difficile où elle avait dû se battre pour exister ; ce qui  avait rendu ses relations facilement conflictuelles et sa vie affective assez tumultueuse. Par contre, elle avait un grand sens de la justice, de la dignité, des amitiés solides.   Elle était musulmane, mais le courant a vite passé entre nous.  Au fur et à mesure du partage dans le travail, le dialogue est devenu de plus en plus confiant, fraternel.     Dans une période très difficile de sa vie, je l’avais invitée à la communauté pour pouvoir parler plus tranquillement.   Elle a fait connaissance de ce fait avec les autres sœurs et elle est revenue souvent partager ses soucis, galères, combats, se laisser interroger pour avancer dans une vie moins chaotique, plus apaisée…   Souvent, nous l’avons porté dans notre prière.

Quand j’ai quitté Marseille, appelée pour une autre mission, elle a continué ses visites à la communauté.  C’était devenu son lieu de pause, d’écoute, d’amitié simple et fraternelle.

Joie donc cette année de se retrouver, évoquer les souvenirs, regarder les photos de  son fils, de son petit-fils, écouter comment elle avait continué à construire sa vie petit à petit, à s’appuyer sur des bases plus solides : des membres de sa famille, un compagnon stable et bienveillant, une foi musulmane re découverte.  C’est avec fierté     qu’elle m’a dit : « maintenant je fais le ramadan, j’ai appris à faire mes prières.  Je prie tous les jours, ça me fait du bien, ça me laisse en paix ».

Merci Seigneur, tu m’as révélé combien les pauvres ont des ressources, des capacités à se relever.  De quelque endroit que monte la prière, je sais que tu l’écoutes.  Tu es celui a souci du faible, qui délivre le pauvre qui appelle.  Ps 71

 

Ailleurs…dans ma vie d’aumônier de prison en Maison d’arrêt, d’autres rencontres m’ont marquée, en particulier celle de N. très jeune fille des Iles.  Prise en étau entre un homme de sa parenté qu’elle ne pouvait dénoncer et sa propre famille, elle a été poussée à un acte grave etla prison.   Bien que non chrétienne, elle déposait régulièrement une demande de rendez-vous lors de mes visites et celles de B. autre aumônière.   Elle avait un grand besoin d’écoute, de présence chaleureuse, maternelle presque.  La parole l’a peu à peu libérée, fait renaître à elle-même.  Là encore, la différence de religion (elle était musulmane) n’a pas été un obstacle.  Nous nous sommes reconnues d’une même humanité, dans la confiance de l’écoute et de la parole partagée.  

Ave B. nous avons beaucoup admiré son courage, sa capacité à réfléchir et à se redresser, son attention aux autres détenues.  C’est elle qui encourageait celles qui ne bougeaient pas à venir aux rencontres de l’aumônerie : eucharistie, groupe de parole ou rencontre personnelle : « vous avez la chance d’avoir des femmes qui vous écoutent, profitez-en ! ... »

La veille de son procès, elle était très angoissée.  Je ne peux pas dire que nous avons prié ensemble, mais nos paroles mêlées d’anxiété, de peur mais aussi de confiance et d’espérance ont pu former comme une prière au Dieu grand, miséricordieux et au Dieu Père.

Le soir, en communauté nous l’avons confiée au Seigneur.

Quelques jours après, je l’ai retrouvée libérée, apaisée.    Son jeune âge, sa situation aussi de victime, sa conduite exemplaire en prison, ont sans doute joué en faveur d’un jugement très clément.

Avec B. souvent nous avons reparlé d’elle en rendant grâce au Seigneur pour les merveilles qu’il fait au cœur des personnes.

                      « Tes œuvres me comblent de joie ;

                          Devant l’ouvrage de tes mains, je m’écris :

                          Que tes œuvres sont grandes, Seigneur ! »     Ps 91

 

 

Je pourrais évoquer encore beaucoup d’autres rencontres, y compris avec les « gens du voyage » qui m’ont permis de découvrir beaucoup de richesses de leur culture, de leurs traditions.

J. L. H   … m’ont révélé toute la place que Dieu prenait dans leur vie, leur confiance en lui, leur sens de la prière, l’importance des pèlerinages, de la prière à Marie…

J’ai admiré leur sens de la famille, l’accueil et la prise en charge d’enfants ou adultes handicapés, dans des conditions matérielles parfois très sommaires.

J’ai souffert avec eux du mépris qu’ils ressentent de la part de notre société.     « On est toujours ceux qui volent, qui ne travaillent pas… Les aires d’accueil pour nous sont toujours entre une autoroute et la voie ferrée, à côté d’une déchetterie, une station d’épuration... »

Merci Seigneur pour cette grâce de la rencontre qui permet à chacun d’être révélé à lui -même et ouvre à la vie.

 

J’aimerais revenir enfin sur la période où j’ai été responsable pour l’ensemble des sœurs.

J’ai eu ainsi la chance d’aller à  la rencontre de toutes les sœurs dans les différents Pays : France bien sûr mais aussi Chili, Corée, Inde, Madagascar et à l’époque Colombie, Algérie, Maroc, Espagne.

A travers la vie et les engagements de chacune et des communautés, j’ai pu mieux découvrir comment cette vocation était vécue avec la couleur propre à chaque culture, Eglise, mais toujours enracinée dans la vie des pauvres.

Tout n’a pas été toujours facile, lisse, sans conflits, erreurs, pauvretés diverses à assumer.  Mais j’ai toujours rendu grâce pour toutes ces vies données dans la gratuité, pour la joie de voir comment l’évangile devenait chair dans des vies toutes simples, combien l’Esprit était à l’œuvre en chacun.

Oui, comme nous l’avons écrit dans le texte « Ravive le don de Dieu qui est en toi... » : la fidélité à l’étude d’évangile contemplative, nourrie de la vie des plus démunis, l’engagement pour ouvrir avec eux des chemins d’humanité est notre richesse, un trésor à recevoir et à partager avec audace.

 

Une vie donnée, ça vaut le coup !

Marylène de France

Toi tu dirais quoi ?

« Si ma vie était une lumière ce serait quoi ? dans quels lieux ? Quelles lumières tu vois dans ta vie ?

Dans ma vie donnée de Sœur du Prado, célibataire, sans mari ni enfants, comment je vis cette parole du père Chevrier aux premières sœurs : Soyez des pères et des mères pour eux ?

Quelle maternité fécondité j’ai vécu ?

La lumière est plus forte que la nuit.

Il y a une joie profonde de vivre ce choix la joie d’être au Christ.


Je dirais quoi ? Je dirai : ouverture patience écoute

 

Ouverture voilà le mot qui serait lumière car j’ai eu à changer plusieurs fois de lieux de communauté et à chercher du travail. Attachée au monde rural, au début j’ai trouvé un emploi de secrétaire comptable dans des associations à but social. Après quelques années et quelques changements, une collègue de travail m’a dit un jour : « Je trouve que tu vis une ouverture aux autres, à ceux qui sont différents de ce que tu penses ». Cette ouverture aux autres, nous sommes amenées à la vivre au sein de notre communauté par l’accueil de chacune dans sa différence, et dans nos lieux missionnaires.

En effet, souvent je considérais que ma vie de travail avec des collègues et ma vie de communauté se complétaient. L’une et l’autre étaient aussi portées dans la prière où il fallait attendre que le temps fasse son œuvre, le temps favorable pour dire les choses. En équipe comme en communauté, quand on se connait mieux c’est plus facile d’agir ensemble, une confiance peut s’établir et nous aide à avancer.

Patience. J’ai eu la chance de travailler dans une des associations du Réseau Solidarité Paysans, où je vivais une présence auprès des plus souffrants, des démunis de ce monde agricole et plus largement rural. Jésus a été ému de telle détresse. En communion avec le Christ, j’ai vécu cette écoute simple et vraie et désarmée des réalités de vie de ceux qui s’adressaient à l’association. Être là pour les écouter pour les encourager les soutenir comme font des pères et des mères auprès de leurs enfants.

Cela je l’ai vécu dans l’écoute de chacun sans jugement et dans l’écoute aussi des collègues qui eux aussi m’ont aidé dans ce rude apprentissage d’être là par une présence de soutien de ceux qui appelaient, par un appel à la patience, à la joie aussi des situations qui se font lumières : une situation financière qui s’améliore, une vie de famille qui s’apaise, une vie de relation qui s’ouvre à nouveau.

Avec les jeunes en aumônerie scolaire, c’est le début d’une ouverture pour beaucoup, ils quittent l’école primaire pour arriver au collège et ils quittent le caté pour continuer en aumônerie, un choix difficile. Accepter leur liberté quand les jeunes ne choisissent pas le chemin du sacrement de confirmation par exemple. Comme beaucoup de parents, souffrir et quand même continuer. Comme à l’exemple Olivier qui avait bien participé au parcours de confirmation avec les copains et qui au moment d’écrire la lettre n’a pas poursuivi et s’est arrêté.

Par la présence en CMR, c’est la chance d’appartenir à un mouvement ; quand on change on peut retrouver une équipe de réflexion, un lieu où il est possible de s’engager pour la mission. Là aussi la vie d’équipe est source d’ouverture aux autres, au dialogue en vérité et un réel soutien.

 

En 30 ans de vie donnée, c’est bien chaque jour dans la prière que le don se fortifie, dans la fidélité première du Christ, la prière personnelle oraison méditation travail de la Parole de Dieu et la prière communautaire qui donne de la force dans les moments difficiles, dans les moments de choix de départ, pour de nouveaux projets, pour la mission.

La fécondité de ma vie, je l’attends du Seigneur…  Le psaume (Ps32,20) : «  Nous attendons notre vie du Seigneur. »  Nous attendons de Dieu la fécondité de notre être et de notre vie, c’est lui le Christ qui nous donne de transmettre sa vie à ceux auxquels ils nous envoient.

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